Mécanofluorochromisme

Le mécanofluorochromisme se définit comme la modulation de la fluorescence à l'état solide, en couleur et en intensité, de matériaux par contraintes mécaniques (pression, cisaillement, traction, etc.). Les contraintes mécaniques vont modifier les interactions intramoléculaires et/ou la structure interne des molécules au sein du matériau d'intérêt, ce qui va provoquer le changement de fluorescence. De nombreux composés mécanofluorochromes sont maintenant identifiés, mais cette propriété est souvent étudiée de façon qualitative : si l'on constate que le broyage d'une poudre entraine un changement de fluorescence, on ne sait pas si le matériau est sensible (préférentiellement ou exclusivement) à la compression ou au cisaillement, ni quelle est l'intensité de la force à appliquer.
Au PPSM, nous développons depuis 2014 un projet visant à développer des sondes locales de contraintes mécaniques à partir de matériaux mécanofluorochromes. Trois axes de recherche sont à l'heure actuelle développés dans le cadre de ce projet :
- Développement de nouveaux composés mécanofluorochromes : les objectifs sont d'une part d'établir des relations entre la structure d'un composé et ses propriétés mécanofluorochromes, d'autre part d'obtenir des matériaux performants pour diverses applications. Nous développons une bibliothèque de composés, soit synthétisés au PPSM (complexes de bore-dicétones, polydiacétylènes), soit étudiés en collaboration, afin d'obtenir des composés avec des réponses spécifiques à différents types de contraintes mécaniques, montrant des sensibilités et des réversibilités variables. Nous étudions également des matériaux couplant le mécanofluorochromisme à d'autres propriétés de luminescence, telles que la TADF (Thermally Activated Delayed Fluorescence ou Fluorescence Retardée Activée Thermiquement), ou la CPL (Luminescence Polarisée Circulairement).

Exemple d'un précurseur de polydiacétylène mécanofluorochrome (gauche) et complexe de bore-dicétone couplant CPL et mécanofluorochromisme (droite).
Étude du mécanofluorochromisme à l'échelle nanométrique : la microscopie de fluorescence couplée à l'AFM constitue ici notre instrumentation privilégiée. Nous avons mis en évidence une réponse mécanofluorochrome à l'échelle nanométrique sur deux familles de composés, et montré que cette réponse était différente de celle observée à l'échelle macroscopique. Cette étude se poursuit sur d'autres composés, et se développe pour aller d'une part vers une quantification de la réponse à l'échelle nanométrique et d'autre part vers une mesure de l'émission de fluorescence pendant l'application d'une force.
Quantification du mécanofluorochromisme à l'échelle macroscopique : nous cherchons à quantifier (nature et intensité) la force à appliquer à un matériau moléculaire pour observer un changement de fluorescence, afin de guider notre travail d'ingénierie moléculaire. Par ailleurs, nous prévoyons de développer des polymères mécanofluorochromes, afin de déterminer si de tels matériaux peuvent être des outils utiles pour la métrologie des contraintes en mécanique.

Exemple de complexe de bore à ligand dicétone étudié au laboratoire (gauche) et image enregistrée sous excitation UV (365 nm) à la fin d'un essai mécanique sur ce composé : une compression et un cisaillement sont appliqués de façon contrôlée, seules les zones de l'échantillon soumises à un fort cisaillement voient leur fluorescence modifiée (passage d'une émission bleue à une émission jaune)
Systèmes photomécaniques
Les réactions de photocommutation conduisent à des changements de géométrie et donc à des mouvements à l'échelle de la molécule. Lorsque ces réactions ont lieu au sein de milieux organisés (cristaux moléculaires, systèmes polymères), les mouvements moléculaires peuvent se combiner pour aboutir à des déformations macroscopiques, qui peuvent être exploités pour accomplir un mouvement ou bien un travail mécanique. Ainsi, sous stimulus lumineux, des microcristaux photochromes se dilatent, se contractent ou se déforment, en fonction de la taille, la forme et l'orientation des objets. Nous étudions ces effets photomécaniques sur des micro- et nano-cristaux organiques photochromes, par microscopie optique et AFM. Notre objectif est de quantifier les effets de dilatation, de contraction ou de déformation de ces matériaux. À terme, l'objectif est de réaliser des objets capables d'imprimer à leur environnement une contrainte locale détectable et quantifiable sous la forme d'une force appliquée à une pointe AFM par exemple.

Images AFM d'un microcristal photochrome avant (à gauche) et après (au milieu) irradiation UV. L'irradiation induit une déformation du cristal qui peut être mesurée par AFM (à droite).